PORTRAIT. METTE, l’artiste multidisciplinaire qui va vous faire danser cet été
Quelques minutes avant notre rencontre, à Paris, la chanteuse METTE a enchaîné plusieurs chorégraphies avec des danseurs français. Une brève dans sa journée de promotion qui lui a rappelé des souvenirs. Auparavant danseuse pour les tournées de Pharrell Williams ou Christina Aguilera, la native du Minnesota a, depuis 2021, ajouté une nouvelle corde à son arc en faisant son entrée professionnelle dans la musique.
L’ancienne “TRL kid (pour Total Request Live, programme phare de chaîne américaine MTV)” a désormais toute l’autorité sur ces choix artistiques, pour son plus grand bonheur. Cette recherche créative multidisciplinaire la poursuit ainsi depuis et se répercute sur sa carrière musicale engagée. La majorité de ses morceaux est conçue avec des clips “réfléchis jusqu’au bout”, assure celle dont les “simples” visualizers la rebutent. “J’ai participé à des clips pour d’autres, je n’ai donc jamais pensé la musique sans visuel. À l’époque, les vidéos musicales étaient de véritables pièces narratives”.
Chaque fois qu’elle crée, METTE dit ainsi penser “presque instantanément” à une répercussion visuelle. “Je peux fermer les yeux et imaginer l'environnement dans lequel cette chanson sera jouée. Je pense vraiment qu'il est important également que je m'occupe aussi de cette représentation, parce que cela fait partie de mon monde intérieur qui devient matériel et qui existe à l'extérieur de moi”, raconte l’artiste.
Dans l’historique de sa carrière, la représentation et l’autonomie ont un sens particulier. Créer pour soi-même a une saveur salvatrice pour une artiste qui a d’abord beaucoup donné. “La musique, ce sont mes mots, mon image, mon esprit créatif, et c’est pour cela que j’aime ça”, résume METTE. Elle poursuit : “Venant du milieu de la danse dans lequel j'ai soutenu un artiste pendant tant d'années et où je n'avais pas d'autonomie ou de droit de regard sur la création, cela signifie beaucoup plus pour moi aujourd'hui. Je ne considère vraiment pas comme acquis le fait d'être à la barre créative de mon projet.”
Rester “le plus authentique possible”
Comment les différentes formes d’art qu’elle a embrassées au fil de sa carrière s’entrechoquent aujourd’hui dans son aventure musicale ? “Ce n’est jamais à sens unique ni dans un ordre particulier”, rétorque-t-elle simplement. Pour “Mama’s Eyes”, la composition est venue en premier, puis les paroles et enfin la chorégraphie pour le clip vidéo. “La danse est venue lorsque nous étions sur le plateau, je ne pouvais pas concevoir ce morceau sans cet aspect.” En pleine phrase l’artiste se coupe, regarde son verre, fait mine de le prendre pour boire puis reprend soudainement : “Mais même avant le clip, mon jeu d'acteur peut vraiment influencer la façon dont je transmets un texte ou une mélodie, parce qu'il y a tellement de façons différentes de dire les choses, avec tellement de tonalités différentes, dans une chanson.”
Jouer avec sa voix, ses tons et variations, l’artiste en a fait une de ses qualités principales, notamment pour surprendre l’auditeur à partir de frictions et juxtapositions. “Vous écoutez le morceau et pensez que c’est une chanson douce sur un amant puis je vais feindre de me savoir stupide en utilisant une petite voix de bébé. C’est comme si j’aimais jouer avec des personnages.” Sur Van Gogh, un androgynisme vocal s’opère pour troubler une écoute prenant des airs voulus multiformes. “J’utilise ma formation d'actrice, ma danse, mon chant, mon lyrisme et mon écriture pour rassembler ce métavers en moi.”
Au moment où nous rencontrons l’artiste, à la fin du mois de mai, à Paris, le clip de “BET” vient de sortir. Depuis plusieurs années, de nombreux créatifs ont joint sa route. Une aubaine et un défi pour l’artiste qui souhaite rester “la plus authentique possible. Dedans, METTE s’enjoue dans un décor haché d’effets spéciaux pour créer un surréalisme jamais entrevu auparavant dans ses œuvres. Un piano tombe du plafond, se fissurant sur le sol. Dans une voiture, l’artiste est présentée comme désorientée par les éléments extérieurs. Deux versions de sa propre personne s’affronte. Celle qui se trouve à l’extérieur est tout à fait maitresse de son destin. “Pour moi, la vidéo est une ode au pouvoir, au pouvoir naturel que nous avons. Je pense qu'en tant que personnes, et plus particulièrement en tant que personnes conscientes, nous sommes capables d'avoir une sorte de conversation avec nous-mêmes.”
My Beautiful Dark Twisted Fantasy et la nostalgie
Une recherche que la chanteuse qualifie de meta (un mot qu’elle utilisera à de nombreuses reprises lors de cet entretien). “C'est vraiment cool parce que c'est presque comme si une vidéo était un jeu entre moi et mon ombre.” Cette bipolarité évoquée est renforcée par la solitude à l’écran de l’artiste. “Je savais que je ne voulais pas que quelqu’un d'autre joue dans la vidéo à mes côtés, parce que je pense que cela crée parfois une narration différente.”
Cette chanson, écrite après une déception relationnelle, arbore tous les aspects de l’amour propre. "Si je danse avec moi-même et que je me provoque, je pense que cela ouvre la voie à l'amour de soi", souligne METTE. J'ai eu le déclic pour la première session, je me la chantais dans le miroir. J'ai réalisé que plus je ferai d’efforts à m’aimer d’avantage, moins je serai atteinte par quoi que ce soit, parce que je me sentirai entière et complète.” S’aimer à travers son héritage, avec “Mama’s Eyes”, ou s’aimer dans sa pluralité, imagé dans “VAN GOGH”, l’artiste en a fait une quête constante qui la suit depuis ses débuts.
Retour à Paris. Au début de la décennie 2010, cette fois-ci. Dans les écouteurs de l’étudiante d’alors, My Beautiful Dark Twisted Fantasy tourne en boucle. “Si je mets cet album aujourd’hui, je vais être transportée dans le passé et repenser à ces moments de balades à Hôtel de Ville”, se remémore-t-elle.
Des souvenirs de son enfance, au domicile familial, dans lequel la musique de James Taylor la berce remontent. “Je me sens à nouveau en sécurité et jeune, comme si j’avais six ans. Le temps n’existe pas quand j’écoute de la musique, c’est pour ça que c’est le centre de mon monde.”
Créer musicalement la ramène à une sensation de pureté et d’authenticité. “Ces idées et ces notions, ces descriptions réduites de qui je suis, d'où je viens, tout cela n'existe plus.” Une sensation découverte grâce à la danse, qu’elle ne ressent plus désormais à cause du manque de pratique. “Vous savez, je suis un peu rouillée maintenant, donc je n'ai plus autant confiance en moi”, rit-elle. D’anciens réflexes restent néanmoins, notamment dans sa routine de travail. “Je vais au studio de telle heure à telle heure et je vais créer quelque chose. Si ce n'est pas brillant, ce n'est pas grave. Je m'en remettrai, j'ai besoin d'aller de l'avant, de rester dans une sorte de planification horaire mais en même temps de ne pas en être pris au piège. J'ai l'impression qu'il y a toujours une sorte de tension entre la discipline et la création.”
Cette rigueur, la chanteuse se l’est infligée dès son plus jeune âge avec l’écriture. 15 minutes chrono, chaque jour, où elle s’imposait d’accoucher sur une feuille ses pensées. “Je laissais sortir n’importe quel mot ou réflexion.” Ces écrits furtifs n’avaient parfois pas d’autres utilités que l’exercice et finissaient bien souvent dans une pile jamais consultée de nouveau. Avec le recul, cette tare traduit des problèmes de communication qui l’ont dirigés vers d’autres formes d’expression, explique METTE. “La danse était fondamentalement importante pour moi parce que je n'avais pas besoin d'utiliser des mots ou le langage pour faire passer un message.” Les étoiles finiront par s’aligner quand de premiers poèmes aborderont la musique. “Il y avait toujours de la musique dans ma chambre et j'ai toujours pu constater que la musique m'aidait à plonger plus profondément en moi-même pour faire sortir les mots les plus honnêtes.”
“J’avais besoin de me ressaisir”
La vulnérabilité qui tisse ses créations et déclarations a baigné dans un flot de doutes. Si l’artiste est aujourd’hui plus sûre de son art, une traversée de deux ans et demi sans nouveau morceau s’est opérée à un stade précoce de sa carrière. “J’avais besoin de me ressaisir”, juge-t-elle. “J'ai toujours eu une idée de ce que serait la vie d'un musicien, mais être musicien dans une industrie comme celle que nous connaissons aujourd'hui est quelque chose que l'on ne peut pas anticiper. Et je pense qu'en ayant une équipe solide autour de moi, des collaborateurs, mais aussi des managers, je devais vraiment m'assurer que j'étais écoutée et soutenue d'une manière qui me permettrait, une fois que je voudrais sortir de la musique à nouveau, de ne plus jamais vouloir m'arrêter.”
Après un premier voyage à Londres en septembre 2018, pour le tournage d’un film, METTE y revient à de multiples reprises, y trouvant un cadre plus confortable pour créer qu’à Los Angeles, où elle a déménagé. “Londres est un endroit où j’ai pu me faire les dents en termes de découverte de mon son.” Sur cette terre d’exploration, où la nervosité qui la guette outre-Atlantique s’échappe de son corps, METTE fait la rencontre notamment de Zhone, producteur de ses deux derniers singles et de son EP à venir pour cet été. “Il m'a vraiment aidé à me débarrasser de toutes les idées préconçues que j'avais sur ce que cela signifierait de déménager à Los Angeles et d'être à l'épicentre du monde de la musique.”
Après s’être explorée par la danse, le cinéma ou la musique, reste-t-il d’autres portes que l’Américaine souhaite ouvrir ? “Mon merch”, rétorque-t-elle, laissant échapper un rire à la vue de la surprise dans mes yeux. “C’est une créativité que je trouve un peu intimidante, j’aimerais bien approfondir le sujet.”
Par Arthus Vaillant