‘Déconstruction’ avec Maeta : “Kaytranada garde le secret de fabrication de ses productions”

Maeta, par Camulo James. Collage par Kezia Sakho.

Pour la sortie de son EP commun avec le producteur Kaytranada, la chanteuse américaine raconte le processus de création, contrôlé mais porté par l’amusement, qui conduit les sept morceaux de l’EP. “Honnêtement, je ne me rappelle plus du point de départ”, sourit-elle. “C’est marrant d’en faire la promotion aujourd’hui car tout part d’une simple idée et maintenant c’est quelque chose de réel.”

Les deux sont des compagnons de longue date, avec des collaborations sorties des années auparavant, comme son premier hit “Teen Scene”, ou plus récemment '“Questions”. L’idée originale vient du producteur canadien. “Nous avions quelques morceaux que nous aimions beaucoup qui ne sont jamais sortis donc il m’a dit : ‘Pourquoi pas en faire d’autres et sortir un EP ensemble?’"

Quel a été le premier morceau réalisé dans le cadre de cet EP ?

C’était certainement ‘Endless Night’, qui a donné son nom à l’EP car il résume l’ambiance du disque à savoir être dehors et passer un bon moment. “DJ Got Me” a été le second morceau sur lequel on a travaillé. Ensuite, tout est venu assez vite.

Comment c’était de travailler de nouveau avec lui pour un EP cette fois-ci ?

C’était vraiment fun. Il est venu au studio, nous buvions et nous nous amusions beaucoup. Il passait les prods à la suite, on prenait celles qui nous parlaient le plus. Nous n’avions pas vraiment la pression, pas celle de se dire que nous allions faire tout un projet donc c’était vraiment une expérience cool.

Ce projet est beaucoup plus dansant que les précédents, avais-tu des références en tête avant de travailler dessus ?

Pour les chansons que nous avions en tête, nous pensions à une période assez lointaine. Il y a cette chanson “Mustang Sally” ce n’était pas un sample que l’on a utilisé mais c’est simplement une référence d’un morceau (de Mack Rice, ndlr). Au niveau des références vocales, j’ai beaucoup travaillé avec les auteurs-compositeurs Fallon King et James Fauntleroy, qui m’ont aidée en faisant de nombreuses démos.

Que représente-t-il dans ta discographie, est-ce le début d’une exploration vers ces registres plus dansants ?

Cet EP correspond plus à un moment qu’à une transition à proprement parler. Je reste une chanteuse R&B, même si j’ai l’ambition de devenir une popstar donc j’ouvre des brèches par le biais de ce genre de collaborations. Je ne pense pas être amenée à refaire des albums de Dance music comme celui-là ni poursuivre prochainement avec un nouvel album commun avec Kaytranada.

Que ressens-tu en écoutant des artistes qui puisent dans le R&B en le mêlant à des rythmiques House ou Dance ?

J’ai toujours aimé ce type de combinaisons, notamment dans des contextes propices quand je roule la nuit et que je veux me détendre. Je ne voudrais simplement pas être bloquée dans ce type de registre pour toujours mais je l’apprécie beaucoup.

Tu as eu l’opportunité de travailler avec Pharrell Williams en tant que producteur exécutif de ton album, aujourd’hui Kaytranada tient ce rôle pour ton EP. Peux-tu nous parler des différences qu’ils ont à travers ce rôle ?

Kaytranada a une énergie plus décontractée. C’est assez mécanique : “let’s go, voilà la prod, fais ce que tu sens avec.” Ensuite il écoute le mix et c’est tout. Il n’a pas de directives spécifiques, il laisse beaucoup de liberté. Mais aussi ce qu’il y a d’assez étonnant est qu’il envoie ses pistes avec simplement un fichier MP3. Il garde le secret de fabrication de ses productions, ça rend le travail intriguant. Je travaille également avec Fallon King, qui est très pointilleuse. Elle vient au studio me donne des conseils sur ma manière de travailler en général mais aussi sur des détails par rapport à la manière de prononcer un mot par exemple. Elle apporte de la profondeur dans mon travail par rapport au côté très aérien de Kaytranada.

Kaytranada était rarement présent en studio avec vous ?

Si, pour certains morceaux. Nous avons fait quelques sessions durant lesquelles il a beaucoup produit. Il était dans son coin, avec son casque sur les oreilles, il était comme coupé du monde (rires). J’étais assez curieuse de sa manière de travailler, comme s’il protégeait sa recette secrète. Mais, je suis vraiment reconnaissante qu’il me laisse utiliser ses productions.

“DJ GOT ME”

Qui a eu l’idée du remix ?

Fallon (King) a écrit cette chanson en l’espace de 30 minutes. J’étais dans une énergie “je veux sortir, m’amuser sans penser à mes problèmes. En mode, il est 3h du matin et je passe simplement du bon temps”. La majorité du morceau a été faite très rapidement.

Le rythme n’a pas été calqué sur la version originale du morceau. Comment était-ce de poser sur ce type de productions ?

Honnêtement, ça m’a rendu le travail plus facile. Aujourd’hui, j’ai justement enregistré une performance en live du morceau et c’était si facile à faire. Beaucoup plus que mes morceaux R&B plus lents.

Au niveau des paroles, tu partages ce constat ?

Oui complétement, ça me permet de ne pas chanter des paroles forcément très profondes mais plutôt de créer des morceaux pour faire la fête, des sons plein d’insouciance.

Avez-vous connu des complications durant la création du morceau ?

La construction du morceau a pris plus de temps, nous ne l’avons pas fait en un jour seulement. Mon A&R a décidé d’utiliser le sample du morceau “Last Night A DJ Save y life” (d’Indeep) au dernier moment pour en faire une sorte d’outro au morceau. Le processus a été assez long pour réarranger le morceau, ça a pris quelques semaines pour des détails. Finalement, ça ressemble à un puzzle par rapport au studio.

Un autre morceau, “Mustang Sally”, fait référence au morceau éponyme de Macky Rice, avez-vous utilisé d’autres samples ?

Pour “Mustang Sally”, James Fauntleroy a pensé au titre en référence mais je ne pense pas qu’il s’en soit inspiré musicalement.

Quand Macky Rice s’est exprimé, pour les Grammy Awards, sur la signification du morceau, il expliquait que le personnage était dans une énergie dans laquelle la seule chose qu’elle voulait faire était de conduire en écoutant de la musique, je me demandais quelle énergie tu avais pour le tien ?

C’est incroyable parce que je me souviens avoir eu une discussion lorsque l’on créait ce morceau dans laquelle j’imaginais la scène d’un accident de voiture, on s’imaginait fumant une cigarette et portant une veste en cuir comme dans le film “Grease”. Tout cet ensemble avec les motos qu’ils avaient et leur style, ce décor rentre dans l’imaginaire du morceau. C’est cupide, libre et sexy.

“NEW LOVER”

En écoutant ce morceau, j’ai eu la sensation d’être spectateur d’une discussion entre le saxophone et ta voix.

Oui c’était vraiment l’idée. Tout s’est fait sur le moment sans réflexion. Dans le studio, parmi les musiciens, un saxophoniste était présent. Alors que je chantais, il a proposé d’ajouter sa composition. Cette initiative, remplie d’insouciance, traduit assez bien l’énergie du projet. En plus, sa partie permet de faire la cession avec mon deuxième couplet donc ça tombe très bien. C’est une vibe, même si je déteste utiliser ce mot (rires).

Ta voix, sur ce morceau, est légèrement filtrée et combinée à une autre. Peux-tu m’en dire plus sur ce travail ?

La voix que l’on entend avec la mienne est celle de James Fauntleroy. Nous l’avons gardée pour les graves. J’ai chanté “par dessus” lui, en posant à partir des mélodies faites sur ses démos. Comme il a une voix grave je n’ai pas voulu toucher à cette partie et simplement ajouter ma contribution sur les aigus. Le résultat m’a plu, je trouve que nos voix se mêlent très bien ensemble.

“TURN ME ON”

Comment as-tu procédé pour créer la mélodie ?

J’ai travaillé la mélodie avec Fallon King. J’adore ce morceau, qui est vraiment “spicy”, et notamment le travail sur la reverb. Il a une énergie psychédélique. C’était probablement le plus cool à enregistrer parmi tous les morceaux que l’on a conservés. Je me rappelle que j’étais souriante tout du long parce que la manière dont ça sonnait me réjouissait et tout le monde était positif.

Sur ce titre, ta voix a une place primordiale. Te sens-tu plus à l’aise lorsque c’est le cas ?

Oui, complétement. Parfois, pour moi, il est difficile de prendre du recul, se détendre et être vraiment à l’aise. Les chansons sur lesquelles je peux le plus faire exprimer ma voix sont celles sur lesquelles je prends le plus de plaisir, au moins vocalement.

Quelle était l’énergie dans le studio au moment d’enregistrer ?

Nous nous amusions beaucoup, nous buvions et faisions la fête. Mais, souvent, je n’aime pas quand il y a trop de monde dans le studio. Donc lors de l’enregistrement, j’ai demandé à être seule avec seulement l’ingénieur du son dans la pièce à côté de moi. C’étaient des conditions particulières, j’ai voulu avoir les lumières éteintes, nous étions coupés du monde extérieur.

Propos recueillis par Arthus Vaillant
Photographies par Camulo James

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